« Le mystère ou l’absurde ?  Saint Thomas d’Aquin, Sartre et quelques autres »

Frère Luc Artur,O.S.B. Éditions Sainte Madeleine, février 2024

C’est à une exploration soutenue et fervente de la réflexion sur le mystère et son lien avec l’absurde que s’est livré Frère Luc Artur O.S.B. (abbaye du Barroux) dans son dernier ouvrage.

La préface de l’abbé Bernard Lucien ouvre une voie vers cette synthèse approfondie des œuvres majeures ou moins connues étudiées par Frère Luc en proposant le fil conducteur de la question « l’Être est-il mystérieux ou absurde ? ».

Dans la recherche d ‘un point de rencontre entre la théologie chrétienne et la philosophie, l’auteur prend rapidement de la hauteur, dans un style accessible et précis. L’auteur aborde la paroi lisse du mystère, arrimé de toutes les cordes de sa foi aux pitons bien ancrés d’une vaste culture philosophique et théologique. Saint Thomas et les thomistes (spécialement ceux du XXe siècle, le P. Garrigou-Lagrange, Étienne Gilson, le scientifique Michel Louis-Bertrand Guérard des Lauriers o.p…) sont convoqués et confrontés avec les médiévaux Bonaventure et Duns Scot avant d’aborder Sartre, Cioran, Kierkegaard, Nietzsche, pointant l’impuissance des philosophes face aux mystères surnaturels .. Son chapitre consacré à la tentative de définition du mystère, est une brillante synthèse des apports du P.Michel Louis-Bertrand Guérard des Lauriers o.p., des théologiens Urs von Balthasar et de Pascal Ide. La relation entre le mystère et la musique est évoquée par l’ouverture à la transcendance que permet la musique, « le mystère même » (Gabriel Marcel). Concluant sur la nature « relationnelle » du mystère et l’engagement dans « l’aventure » qu’il implique, l’auteur peut ensuite se pencher sur l’absurde, sa définition, par le destin littéraire que lui ont forgé les chrétiens Tertullien et Kierkegaard, et les athées Schopenhauer, Nietzsche, Mallarmé, puis Sartre, Cioran et Camus auxquels il consacre deux chapitres. Cette puissante synthèse s’appuie sur les travaux des meilleurs spécialistes de tous ces auteurs.

La question finale embrasse avec humilité et profondeur ce travail encyclopédique : « est-ce que rien ne compte, hors du mystère ? » L’humour n’en est jamais absent, comme capacité de relativiser les problèmes traités, en se référant encore au P. Guérard des Lauriers « L’humour, c’est une petite sagesse. Elle est très utile, la petite sagesse, qui monte de la terre ».

Outre un index onomastique de trente pages, une bibliographie très complète d’une centaine d’ouvrages permet, tant la citation des nombreuses et diverses sources, que la poursuite du travail de réflexion par le lecteur auquel incite cet ouvrage. Puisque « dans les ténèbres du nord, se trouve l’éclat de l’or. De même dans les ténèbres où nous vivons, nous trouvons quelques resplendissements, quoiqu’obscurs, de la connaissance divine ». ( St Thomas d’Aquin).

Article publié dans la revue Una Voce n°347 de Mai – Juin 2024