Elles sont deux, construites en basalte inaltérable, qui dressent au sud de la Loire leur silhouette fière et sombre. Clermont Ferrand et Agde ont en commun leur matériau (plus gris à Clermont), l’ancienneté de leur installation (Ve siècle), leurs belles proportions qui les signalent de loin dans le paysage urbain et leurs orgues remarquables.
Clermont Ferrand : de la résistance contre les Wisigoths à Viollet-le-Duc
C’est sur l’emplacement de l’église Saint Eutrope actuelle que fut construite la première église de Clermont, par l’évêque Namatius à la fin du Ve siècle. Successeur d’Austremoine, évangélisateur de la région et premier évêque de Clermont, Namatius fit aussi édifier la première cathédrale intra muros : la première église était en périphérie de la ville, les premiers chrétiens étant rejetés dans les faubourgs (vicus christianorum), car méprisés par l’aristocratie locale restée fidèle à la religion antique. Evêque de 471 à 475, Sidoine Apollinaire (430-489) prit sans succès la défense de Clermont contre les Wisigoths du roi Euric1, mais la religion chrétienne ne fut établie qu’après la victoire de Clovis sur Alaric II à Vouillé (507).
Cet édifice fut rasé lors d’un raid destructeur de Pépin le Bref et Etienne II (évêque de Clermont de 942 à 984) fit aménager une large abside et une crypte. Le chevet à déambulatoire et des chapelles rayonnantes sont plus tardif (XIe-XIIe s.). C’est sous l’évêque Hugues de la Tour, à partir de 1248, que le chœur, le transept et les premières travées de la nef remplacent progressivement la cathédrale romane. En 1850, Viollet–le-Duc construit deux travées supplémentaires, portant la longueur de la croix du transept à 32,70 m, et le porche actuel, dans la même pierre de Volvic. Les deux tours à flèches sont terminées en 1884. La tour de la Bayette adossée au portail, bâtie au XVe siècle par accord entre les chanoines et les élus de la ville2, est le lieu où Florin Périer renouvela l’expérience du baromètre proposée par son beau-frère Blaise Pascal, le 20 septembre 1648, le lendemain du premier constat de l’élévation du niveau du mercure au Puy-de-Dôme.
L’élévation intérieure à trois étages, sur 28 mètres de hauteur, est impressionnante. Les dix chapelles du chœur sont illuminées par des vitraux du XIIIe, tandis que deux rosaces rayonnantes éclairent le transept. L’ensemble des vitraux, du XIIe au XXe siècle est remarquable, de même que les peintures anciennes restaurées.
Deux orgues pour faire résonner la louange de Dieu
Grand orgue
L’actuel buffet en chêne de style gothique construit en même temps que les deux dernières travées par Antoine de Baudot, successeur de Viollet-le-Duc, et la maison Merklin de Lyon, a été installé en 1877 en tribune au fond de la nef.
Le premier instrument médiéval avait été conçu et construit en même temps que la première travée et était considéré au XVIe siècle comme « les plus beaux orgues de France ». Plusieurs facteurs se sont succédé de 1569 à 1754, dont Oudard Salomon, Antoine Louvan (Jean-Baptiste Rameau étant alors organiste), Jean-François Lépine et Antoine Guilain du Pont. L’ardeur des révolutionnaires contre la cathédrale à laquelle ils mettent le feu en 1794 épargna l’orgue, protégé par la masse de décombres de trois voûtes écroulées suite à la chute d’une grosse cloche. Après divers réglages et réparations de cet instrument, le facteur Ducroquet monta en 1847 dans son atelier un orgue totalement neuf qui fut installé ensuite dans la cathédrale. Joseph Merklin réemploya en 1876 26 des jeux de Ducroquet et porta l’instrument de 38 à 42 jeux. Charles Tournemire inaugura en 1937 un instrument dont les claviers avaient été agrandis à 56 notes et doté de jeux neufs. Michel Merklin électrifia et modifia des jeux en 1962, avant qu’une restauration en profondeur soit entreprise en 2005 par Saby-Dalsbeck pour retrouver l’orgue Merklin de 1877.
L’orgue de chœur
itué dans son buffet d’origine dessiné par Viollet-le-Duc, il a été construit par Joseph Merklin en 1856 puis cédé en 1885 à la paroisse clermontoise de Saint Pierre des Minimes qui doubla la profondeur du buffet. À la cathédrale, cet agrandissement était impossible, l’orgue étant plaqué contre le mur du déambulatoire. Un nouvel instrument fut donc construit en 1886. Il fut relevé en 1929, restauré en 1962 par la maison Dunand, puis la console a été déplacée côté Sud, suite à l’installation d’un nouvel autel par le sculpteur ponot Philippe Kaeppelin, répondant aux exigences du Concile Vatican II (autel au centre du chœur). Sa dernière restauration date de 2012 (Serge Gourgouillon, Joël Pétrique, Michel Colin) et respecte la composition d’origine.
Saint Etienne d’Agde : une église romane fortifiée
L’évêque Guillaume entreprit en 1173 la construction de l’édifice sur les fondations d’une église carolingienne du Ve siècle, elle-même bâtie sur l’emplacement d’un ancien temple à Diane. Sa tour carrée qui culmine à 35 mètres de hauteur, ses créneaux de château-fort et ses murs de deux à trois mètres d’épaisseur en pierre de lave du Mont Saint Loup tout proche,en font une forteresse austère, ce que l’on ressent aussi à l’intérieur très sombre. Le porche latéral ouvre sur la chapelle Notre Dame, construite avec quelques éléments du cloître roman détruit en 1857, tels chapiteaux et colonnettes.
L’orgue,a été reconstruit entièrement en 1987 et remplace l’orgue romantique de 22 jeux réalisé en 1901 par Jean-Baptiste Puget et restauré en 1952 et 1953 par Maurice Puget, puis en 1956 par Marc Etienne. C’est Gérard Guillemin qui a procédé à cette reconstruction en se référant à l’esthétique de l’Allemagne orientale du début du XVIIIe siècle, et au modèle de l’orgue Silbermann tel que celui sur lequel Jean-Sébastien Bach a joué. Le buffet a été aussi restauré peint en imitation marbre vert par François Roux. Cet orgue a été inauguré en 1990 par Jacques Bétoulières.
Article publié dans la revue Una Voce n°344 de Novembre – Décembre 2023