Sainte Marie de Souillac, dédiée à Notre Dame de l’Assomption, fut au dixième siècle un monastère bénédictin fondé sur ordre de Saint Géraud, comte et abbé d’Aurillac, et consacré en 1140. Au même moment, la ville de Souillac se développait avec sa propre église paroissiale Saint Martin, dont les destructions successives des guerres de religion ne laisseront qu’un clocher.
Le monastère lui-même subit des dommages pendant la guerre de Cent ans, mais Sainte Marie est devenu entre-temps une abbaye, par bulle pontificale, et ne dépend plus d’Aurillac. Parmi ses commendataires, il faut signaler Joachim du Bellay (qui n’y mit probablement jamais les pieds) et Henri de la Mothe Houdancourt (1612-1684), grand bâtisseur et réformateur de monastères, qui l’intégra à la congrégation de saint Maur. C’est lui qui reconstruisit les bâtiments monastiques et fit réaliser le portail actuel.
Une église à coupoles
Sainte Marie de Souillac est l’aboutissement du savoir-faire des maîtres d’œuvre qui ont réalisé dans le Sud-Ouest de la France des églises à coupoles, telles que Saint Front de Périgueux, Solignac et Cahors. La coupole à pendentifs permet de passer du plan carré au plan circulaire en reportant les charges sur quatre piliers au point de retombée des voûtes.Des contreforts extérieurs venant épauler ces piliers, des ouvertures importantes peuvent être faites pour apporter de la lumière à l’édifice.
Le portail et ses éléments conservés
Le tympan originel datant de 1130 a été transféré à l’intérieur : son esthétique est commune avec celle de Moissac,Beaulieu-sur-Dordogne dans un style languedocien affirmé. Si ailleurs (Cahors, Moissac, Martel) les Évangiles ont largement inspiré les sculpteurs, à Sainte Marie, est mis en scène le « miracle de Théophile » : encadré par Saint Benoît et Saint Pierre, Théophile qui a vendu son âme à Satan pour retrouver sa place après avoir été évincé par son évêque, la retrouve par l’intercession de Marie1.
Le magnifique trumeau se présente comme un entrelacs de personnages et monstres divers, figurant le péché à droite (le « pilier de Souillac »), et à gauche le sacrifice d’Abraham dont un ange retient le bras en poussant un bélier.
Les deux personnages de la porte d’entrée sont les prophètes Osée et Isaïe. Celui-ci, un parchemin dans la main, annonce la venue du Sauveur (« Voici que la jeune fille est enceinte… » Isaïe,7,14 ). « Cette déformation du corps et du visage n’est pas seulement un style, venu de Bourgogne : elle est un symbole. Ces corps allongés, étirés à l’extrême, comme une ombre projetée vers le ciel par la lumière du soir, visent à rendre sensible la montée de l’âme vers Dieu, lorsqu’elle est déjà presque délivrée de son enveloppe charnelle. Les visages sont traités de la même façon, avec des cheveux, barbes et moustaches effilées, recouvrant les chairs de telle façon qu’on ne voit que les yeux, ouverts sur la Révélation » explique Pierre Grimal2.
Des tableaux remarquables
Eustache Le Sueur (1616-1655) a signé le « Miracle du globe de feu », pendant du tableau peint pour l’abbaye de Marmoutier en 1654 : allusion au miracle se produisant au moment de la consécration lors d’une messe célébrée par saint Martin après qu’il eut fait don de son manteau à un pauvre. A Souillac, il a mis en scène saint Benoît en prière, voyant l’âme de son ami Germain, évêque de Capoue, portée par les anges dans un globe de feu.
Théodore Chassériau(1819-1856) a réalisé en 1844 le tableau « Jésus au jardin des oliviers » présenté au Salon des Indépendants et offert au baron Dufour qui en a fait don à l’abbatiale.
Louis Vicat (1786-1861) ingénieur des Ponts et Chaussées et inventeur de la chaux hydraulique3, peintre amateur, a copié une œuvre italienne « Vierge à l’enfant ».
Dans les autres éléments remarquables de l’abbatiale de Souillac, il faut citer le baptistère à l’entrée, avec ses ferronneries du XVIIIe,le polyptyque du Rosaire du XVIe siècle, des sarcophages datés du VIIIe,un curieux vestiaire en noyer du XVIIe siècle, et l’Orgue de Jean Baptiste Stoltz(1850)à 17 jeux , au buffet et console en noyer, classé MH en 1978 et relevé en 20174.
La Révolution a dispersé les moines, vouant l’abbaye à devenir pendant quelque mois « temple de la déesse Raison » … Elle a retrouvé en 1803 sa fonction d’église, non plus abbatiale mais paroissiale.
Article publié dans la revue Una Voce n°341 de Mars – Avril 2023
- Le « Miracle de Théophile » du moine et poète Gautier de Coincy (début XIIIe siècle) a été mis en scène au théâtre par Rutebeuf vers 1260.↥
- « Le Quercy de Pierre Grimal » Pierre Grimal, Arthaud, 1980.↥
- Dont il fit la première application pour le pont de Souillac sur la Dordogne, première réalisation mondiale de pont en ciment artificiel(1824).↥
- Christophe Loiseleur des Longchamps,né en 1969, organiste, chef de chœur et compositeur, en est le titulaire depuis 1991.↥