Née à Bermersheim, près d’Alzey, en Hesse (ses ancêtres étaient barons du lieu), Hildegarde fut confiée, à huit ans, aux bénédictines de Disibodenberg. À quinze ans, elle reçut le voile des moniales et, à trente-huit ans, fut élue abbesse (1136). Elle fonda en 1147 un nouveau monastère dans un lieu moins riant, à Rupertsberg, et y transféra sa communauté.
Le monastère de Rupertsberg abritait un hôpital où elle a pratiqué la médecine qu’on appellerait aujourd’hui holistique et dans une perspective écologique : culture de plantes et légumes permettant une nourriture saine et des traitements médicamenteux. Hildegarde a fixé le savoir médical de son époque et certains monastères s’inspirent encore de nos jours de ses techniques et agencements de culture.
Elle a joui de visions qu’elle a transmises dans ses écrits, principalement le Sci vias (Connais les voies du Seigneur), qui met la doctrine de l’Église en tableaux allégoriques et évoque l’essence et le devenir de l’Église symbole de la relation entre l’homme et son créateur; le Livre des mérites, qui présente les données de la morale chrétienne sous une riche imagerie symbolique puisée dans les Écritures, la règle de saint Benoît et les Pères de l’Église ; le Livre des œuvres divines, d’allure plutôt scientifique. Dans « Physica » et « Causae et curae » elle aborde la médecine avec un sens solide des réalités terrestres qui ne contredit pas sa sensibilité mystique. Elle utilisa une langue inspirée et complexe qui a parfois réservé ses écrits aux érudits, tout en cherchant avec ferveur une harmonie toute inspirée de l’harmonie musicale : le terme symphonia qu’elle utilise régulièrement désigne l’harmonie musicale autant que l’harmonie céleste, l’âme elle-même étant « symphonique ».
« la musique, et par elle la liturgie , furent les instruments les plus efficaces dont disposa la culture du XIe siècle. Les mots permettent de sonder les mystères du monde et conduisent à Dieu. La mélodie mène vers Lui plus directement encore par ce qu’elle laisse percevoir des accords harmoniques de la Création, et par le moyen qu’elle offre au cœur humain de se coupler dans la perfection des intentions divines. » écrit Jean Marie Marchal à propos d’Hildegarde de Bingen1, et de ses Symphonia armonie caelestium revelationum (vers 1150), qui sont une transcription musicale de ses visions. La plupart de ses œuvres sont destinées à l’office, qui se prêtait mieux à des innovations de contenu. L’art d’Hildegarde de Bingen est d’une grande simplicité : ses compositions sont construites sur un nombre réduit de fragments mélodiques combinés et enrichis de mélismes, et ravissent par leur concision et leur lyrisme solennel. Des écoles différentes proposent des interprétations tantôt sobres voire austères (Organum) tantôt vibrante d’émotion toute intérieure et inspirée ( Sequentia, Oriscus).
Hildegarde de Bingen a laissé aussi plus de trois cents lettres énergiques et clairvoyantes adressées à de grands personnages, y compris au pape et à l’empereur. Enfin, dans l’administration de son monastère, Hildegarde a montré une fermeté, un savoir juridique, une prudence et une habileté remarquables. Avec la conviction que « l’homme est la clôture des merveilles de Dieu. »
Bibliographie
- « Sainte Hildegarde, docteur de l’Eglise » Thierry Fourchaud , Editions Bonne nouvelle, 2013.
- « Sainte Hildegarde » Jacques Christophe, Gallimard, 1942 (épuisé, réédition numérique).
- « La science médicale de sainte Hildegarde » Dr Wighard Strehlow, Éditions Médicis, 2008.
Discographie
- « Voice of the blood », Ensemble Sequentia, Deutsche Harmonia Mundi, RCA B00G2IAVQM, 1995.
- « O nobilissima Viriditas », Catherine Schroeder et l’ensemble Discantus, Champeaux, 1996.
- « Sponsa regis », La Reverdie, 2003, Sony B01KAU7U80.
- « Celestial Harmonies », Oxford Camerata et Jeremy Summerly, Naxos B001716J1K 2008, Sony B0056K4VX6.
- « Stella Maris, Hildegarde de Bingen », Ensemble Oriscus, SKU5114917, novembre 2022.
Article publié dans la revue Una Voce n°340 de Janvier – Février 2023
- www.crescendo-magazine.be, juillet 2020.↥