Emblématique du renouveau de l’art sacré des années 50 du XXe siècle, et classée « monument d’art sacré du XXe » siècle en 1996, l’église d’AUDINCOURT (DOUBS) fut une aventure collective tant spirituelle qu’esthétique. « L’abbé Prenel refusait le plagiat du passé, faux roman ou faux gothique ; il voulait un sanctuaire simple, mais beau, témoignage incontesté des couleurs du XXe siècle. » Il sollicita les artistes les plus « visibles » de son temps, dont deux qui ne confessaient pas la foi chrétienne : Jean Bazaine et Fernand Léger. La grande nouveauté était l’introduction de l’art dit « non figuratif » dans une église.
Jean Bazaine (1904†2001), figure majeure de la peinture d’avant-garde française du XXe siècle, venait de dessiner dans un registre non-figuratif, la grande mosaïque en façade de l’église, y insérant ce verset du Siracide (Livre de l’Ecclésiastique), 24,31-32: «Aujourd’hui mon fleuve est devenu mer. Au matin je ferai luire la Parole », où il estimait trouver la référence au baptême par l’eau et la lumière. Il hésita à accepter la commande de la verrière du baptistère : « Je suis très tenté, mais je crois qu’il n’est pas possible, ni souhaitable, que j’impose une seconde œuvre de moi aux paroissiens de l’abbé Prenel.Ceux-ci en effet, privés de leurs repères iconiques, ont difficilement accepté la mosaïque qu’ils jugent hermétique voire scandaleuse, plus habitués aux pratiques religieuses qu’à la mystique.1 ».
Bazaine réalisa finalement le claustra en dalles de verre du baptistère, qui fut achevé en 1954 par les Ateliers Barillet.
Fernand Léger réalisa pour Audincourt une de ses dernières œuvres : le vitrail dit « des cinq plaies du Christ » tout au long du centre du chœur. Il s’inspira des visions du Sacré Cœur de Sainte Marguerite Marie Alacoque : sur les cinq plaies de Jésus « qui brillaient comme des soleils »et sur « ce divin cœur ne pouvant contenir en lui les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande ». L’incroyant communiste a su ainsi « déchiffrer la profondeur spirituelle du grand mystère chrétien »2.
« Figuratives ou non figuratives, les formes vraies sont des formes vivantes. Dans cette ombre où résident les choses méconnues, leur énergie s’accumule : un jour vient où les fils et petits-fils vivent de ces trésors que leurs pères avaient reçus- méritoirement-dans la foi. (..) La gloire de Dieu ne consiste pas dans la richesse et l’énormité, mais dans la perfection d’une œuvre pure »3 a commenté le P. Marie-Alain Couturier.
Bibliographie
Père Axel Isabey « L’église du Sacré Cœur d’Audincourt », Diocèse de Belfort-Montbéliard, 2022.
Y. Bouvier et C. Cousin, « Audincourt, le sacre de la couleur » Neo Editi
Article publié dans la revue Una Voce n°338 de Septembre – Octobre 2022